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Publié le 14-04-2013 à 17h21 - Modifié à 17h21

"Des gens qui s'embrassent". casting fantastique pour un film creux

  • Sélectionné par l'Obs
  • Par Claire Micallef
    Vraie cinglée de cinéma

LE PLUS. Le dernier film de Daniel Thompson regroupe Monica Bellucci, Kad Merad, Eric Elmosnino, Clara Ponsot et Ivry Gitlis, notamment. un casting de rêve pour "Des gens qui s'embrassent". Seulement, notre contributrice est un peu passée à côté. Pourquoi. Elle vous répond.

Forte de ses précédentes réalisations ("La bûche ", "Fauteuils d'orchestre ", "Le code a changé"), Danièle Thompson persiste à croire qu'un casting clinquant suffit à faire un bon film.

Et quant au clinquant des têtes d'affiche parmi lesquelles Kad Merad et Monica Bellucci s'ajoute le bling-bling des diamants, des yachts à Saint-Tropez, et l'atmosphère de chez Maxim's, on se dit que ce film, "Des gens qui s'embrassent", est vraiment un pur produit de l'ère Sarkozy (on ne sait si les Rolex de la fin du film relèvent ou pas de la parodie ou de l'auto-parodie).

Trop de clichés tuent le cliché

Il y a quelque chose de rebutant dans ce film qui exhibe le fric sans vergogne et l'associe, encore une fois, aux juifs, dans une version beaucoup moins drôle de "La vérité si je mens ". Si encore la satire sociale de ces bourgeois pollués par le paraître parvenait à s'exercer. Non, Danièle Thompson se contente de l'effleurer en exaltant en contrepoint d'autres valeurs. l'amour, la filiation.

C'est là un des autres écueils de ce film de surface. En voulant faire un long métrage totalisant, qui aborde aussi bien le fric, la religion, la mort, l'amour, la filiation, la scénariste-réalisatrice s'éparpille et le propos du film en perd sa cohérence. Roni (Kad Merad), richissime pape du diamant qui se plie avec une ridicule exactitude aux pratiques religieuses juives sans avoir la foi, marie sa fille. Mais, patatras, la sœur de son frère (hilarante Valérie Bonetton) meurt écrasée à New York, en allant chercher le déjeuner casher de son mari, fervent pratiquant et lecteur assidu du Talmud.

Un mariage et un enterrement. Une famille divisée entre une partie bling bling et night clubbeuse où Monica Bellucci trône en maîtresse de maison ridicule de matérialisme et une branche artiste, bohème qui vit au diapason des sentiments, de la musique, de la littérature, des textes fondamentaux. Le propos de Danièle Thompson se résume donc à une antithèse un peu simpliste, qui atteint son paroxysme lorsque à la voix de Kad Merad massacrant Sinatra et au spectacle du mariage se heurtent les violons, les vapeurs du cercueil et les pleurs de la fille de la disparue (la délicieuse Lou de Laâge).

Les situations convenues et confondantes s'enchaînent surtout pendant la première demi-heure on-ne-peut-plus laborieuse. Cercueil trop grand, télescopage du mariage et de l'enterrement, organisation de la rencontre des personnages via une sorte de logistique éreintante, caricature des pratiques religieuses. Devant cette exposition fastidieuse et molle où paradoxalement les personnages s'agitent, on est prêt à s'endormir. Pour être réveillé par Max Boublil citant du Eluard lors d'une rencontre impromptue dans l'Eurostar avec la fille éplorée, no way, le hiatus est trop gros.

Les comédiens semblent d'ailleurs ne pas croire à ce qu'ils jouent et par conséquent, ne servent pas les dialogues à la hauteur du cachet qu'ils ont dû toucher. Encore faudrait-il que les échanges soient originaux et que les personnages aient un tant soit peu de relief et de profondeur. Même l'excellent Eric Elmosnino semble s'y perdre.

De cet ilôt surfait, chic et choc mais en toc, émergent toutefois le truculent Ivry Gitlis qui nous vaut les seules scènes à peu près drôles, la drolatique Valérie Bonneton, la sublime Clara Ponsot, la belle Lou de Laâge, émouvante et surtout les "oubliés" du casting. le picaresque Christian Hecq en croque-mort et le troublant Alexis Michalik, dans le rôle du fiancé importun.

De toute façon, on était averti depuis la scène d'exposition qui montrait un concert, qu'il y aurait des violons et surtout beaucoup de désaccords. Mais aussi des accords. Car l'enjeu du film est bien de sceller l'union de cette famille éparpillée entre des préoccupations différentes, des lieux différents, à la faveur des rites de passage que sont la mort, le mariage et à l'épreuve de l'adultère. Car Danièle Thompson dépoussière le vaudeville en le transposant chez les vingtenaires et créé une situation inextricable où à l'adultère se mêlent les liens du sang. Si ce chassé-croisé amoureux doit trop au hasard, il a le mérite de donner un semblant de souffle au film, jusqu'au coup de théâtre final chez Maxim's.

Malgré la superficialité ambiante, force est de constater que Thompson réussit tout de même quelques scènes sur la filiation, où Ivry Gitlis, père de Merad et d'Elmosnino, en vieillard facétieux atteint d'Alzheimer, met au jour la comédie familiale et les travers de ses proches tout en s'ingéniant à rassembler les deux frères antagonistes. La scène de fin, savoureuse s'il en est, est ubuesque dans sa parodie des liens familiaux décomposés et recomposés, donnant lieu à des situations farfelues. "Des gens qui s'embrassent" ne vaut finalement que par la primauté salutaire donnée in fine à la famille et à la complicité, en dépit des vicissitudes. Il vaut aussi pour la beauté des actrices, littéralement sublimes et sublimées. Bref un film choral de façade, avec quelques minimes sursauts de profondeur.

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- la critique de Marie-Élisabeth Rouchy